mardi 5 août 2008

Rêves de chiens !

La grange
De retour de la forêt, Thierry nous prépare notre repas que nous nous empressons d'avaler. Puis, encore une petite balade pour un petit pipi et déjà nous sommes installées dans notre couffin. Je fais deux tours sur moi-même,
puis un troisième et me réinstalle sur mon coussin confectionné par Marilou. J'ai les pattes toutes chaudes, et aussi la queue, la truffe et les oreilles. Je repensai à notre ancienne litière dans la grange, et rêvai de me coller contre maman en sentant les battements du cœur de Dunlop déjà endormie et blottie tout contre moi...

Au début du printemps, Camors était un endroit joyeux mais froid; l'air se remplissait du bourdonnement des insectes et la mare située à proximité, bien que paisible, ne connaissait que rarement le silence. Dans les fonds boueux, sur les rives, dans la mousse, dans les herbes et au creux des troncs d'arbres s'agitait en secret toute une communauté animale. La parcelle de terre sur laquelle se dressait au milieu des jardins et des allées la petite maison des Ronan se divisait pour nous, les animaux, en différents territoires.
A l'époque de notre vie de très jeunes chiots, Dunlop et moi Diesele, il y avait le territoire du mur de pierre, celui de la grange, celui du jardin, celui de la forêt, celui de la mare et celui des hauteurs. Il y avait même le territoire inconnu de l'intérieur de la maison. Tous formaient un monde animal dont la maison des Ronan était le centre: plus l'on s'en éloignait, plus on trouvait d'animaux, et plus leur existence se faisait bruyante et manifeste. L'époque dont je parle n'est pas très éloignée, et pourtant j'ai l'impression que c'était une vie entière.
Je ne peux pas dire grand chose sur les Ronan car nous étions très jeunes lorsque nous vivions sur leur territoire, et je me concentrai sur ce que m'apprenait maman. Toutefois, il était difficile d'ignorer leur existence, alors voici ce que je sais. Cette maison qui était le centre de notre monde, n'était pas le centre de leur monde à eux. Au printemps Dunlop et moi sommes nées dans la vieille grange avec la paille, les outils et une brouette au fond. Les Ronan n'habitaient pas leur maison en permanence. Ils n'étaient pas comme la plupart des animaux que je connaissais qui regagnaient leur nid, terrier ou abri chaque soir-ou chaque jour comme la chouette. Les Ronan arrivaient toujours le soir, parfois très tard dans la nuit. Puis au petit matin, ils remontaient dans leur voiture bruyante, parée de grand yeux brillants et remontaient l'allée, avant de s'engager sur la grande route. Maman observait toujours la voiture jusqu'à ce qu'elle ait disparu. Il se passait parfois plusieurs jours et plusieurs nuits avant que la voiture ne réapparaisse.
Les Ronan étaient au nombre de cinq. Je sais à présent que les enfants humains ne naissent pas par portée, comme nous, mais plutôt un ou deux à la fois, comme les cerfs. Les deux parents Ronan avaient donné naissance à trois petites Ronan. J'avais fini par apprendre leurs noms à force d'entendre les parents les appeler. Les Ronan étaient des gens très ordonnés, pas de doute la-dessus. Tout ce qui relevait de la maison ou de la propriété était toujours en ordre. Les Ronan ne possédaient qu'un seul animal de compagnie admis dans la maison, un chat "Edgar", . " à cause des microbes " nous avait dit une fois Maman qui avait surpris une conversation "et des poils" avait ajouté la mère Ronan. Quand Maman avait dit cela, j'avais tout de suite pensé aux animaux du territoire de l'intérieur de la maison. Celui-ci comptait non seulement de nombreux insectes, mais aussi une grand famille de souris, deux écureuils (dans les murs du grenier), deux crapauds et quelques lézards. Il y avait en fait plein de microbes et de poils dans la maison des Ronan, et cela m'amusa beaucoup.

Toutes les bêtes de la pr
opriété connaissaient les sentiments des Ronan à l'égard des animaux, et chacun choisissait son lieu de vie en connaissance de cause. M. Ronan avait choisi la grange pour Maman et nous, mais il existait d'autres cabanes et d'autres petits abris, chacun avec sa population propre, chacun différent des autres, chacune à la fois connectée et séparée des Ronan. Il faut savoir qu'un animal avait de quoi vivre confortablement sur une propriété comme la leur: elle était uniquement entourée de bois, de champs et de collines ondulantes. Toutes les communautés animales y prospéraient : faucons, renards, poissons, cerfs, chouettes, chats, grenouilles, araignées, papillons, serpents, écureuils, oiseaux, insectes, chèvres, moutons, vaches, chevaux...

Exception faite de nous trois, les habitants de notre remise étaient principalement le chat Edgar et des souris. Il y avait bien des insectes, mais ils étaient plus difficiles à connaître. La remise était idéale pour des chiots, et convenait très bien à Maman. C'était une petite construction conçue au départ pour un p
oulailler - les cages étaient alignées le long du mur du fond- dont la porte bâillait en permanence.
Maman une chienne croisée avait été adoptée par les Ronan quelques années plus tôt. Notre papa un griffon "fauve de
Bretagne" habitait dans une maison voisine et rend visite à Maman de temps en temps. Maman s'appelle "Gipsy" et Papa "Dog", pour nous c'est "Maman et Papa".
A notre naissance, Maman mis au monde quatre petits chiots, deux sont morts-nés. Dunlop et moi Diesele sommes les seules survivantes. Maman poussa nos petits frères hors de la remise et se mit à les ignorer. Dunlop et moi étions robustes. On se blottissait contre Maman pour se nourrir, on remuait, on gigotait, on dormait recroquevillées sur nous-mêmes, on creusait la paille, on se nourrissait à nouveau, si bien qu'après la première nuit, lorsqu'elle constata que ma sœur et moi étions toujours pleins de vie et avions bon appétit, M
aman nous donna enfin nos noms. Comme toutes les mères chiens, elle choisit des noms de choses qui lui étaient familières: je fus donc baptisée "Paille", et ma sœur "Aube".
Mes premiers souvenirs sont faits de chaleur, de plénitude et satiété. Les premiers jours de mon existence, ni mes yeux ni mes oreilles n'étaient ouverts; Aube et moi ne faisions que dormir, nous réveillant uniquement pour manger. Mais que nous soyons éveillées ou endormies, nous restions éternellement blotties dans le foin, l'une contre l'autre ou contre Maman, et je sentais leurs battements de cœur contre moi. Durant cette période, Maman quittait la remise le moins souvent possible, mais quand elle n'avait pas d'autre choix, elle se levait, un peu chancelante, nous recouvrait de foin, puis se dirigeait vers l'extérieur. Elle sortait pour aller faire ses besoins et s'alimenter dans la game
lle mise à disposition par M. Ronan tous les matins.
Quand la lune passa d'un disque plein à une moitié de disque, nos yeux et nos oreilles s'ouvrirent enfin. Le monde autour de moi se fit plus net. La tête et les pattes flageolantes, je me dressais dans la remise et parcourus la remise du regard. Il faisait sombre mais je pouvais distinguer les cages à poules, et à un moment après les paires d'yeux qui nous guettaient depuis l'intérieur. Les chats allaient et venaient du m
atin au soir.
Pendant longtemps le chiot que j'étais se sentit en sécurité dans la remise. Maman y était l'animal le plus gros, et ni les chats ni les souris ne l'effrayaient. Ma connaissance de la vie se limitait alors à notre douce remise où chaque jour se suivait et se ressemblait. Nous dormions tous les trois imbriquées en une confusion de poils, de pattes, de queues et de museaux, et Aube et moi tétions notre lait c'est tout. Lorsque Maman quittait la remise, ce qui arrivait de plus en plus souvent à mesure que nous grandissions, je jetais un oeil dans la remise pour y voir les chats et les souris: les unes qui courraient se cacher et qu'on entendait ronger et couiner, et les autres qui allaient et venaient et qu'on entendait miauler et ronronner. De temps à autre, un chat adulte ou bien un jeune chaton s'aventurait dehors et ne réapparaissait plus jamais. Je sais aujourd'hui ce qu'il en est vraiment: les souris se nourrissaient de blé, les c
hats des souris, et les chouettes et autres rapaces de chats. C'était le cycle de la vie. Mais à cette époque là, c'était le cadet de mes soucis: Maman était là, qui me nourrissait et me protégeait, et la remise était le havre depuis lequel j'observais mon univers.
Un jour, quand la lune eut changé plusieurs fois de forme et Aube et moi étions plus grandes et fortes et mieux assurées sur nos pattes; Maman nous autorisa à sortir dehors. Ce qu'il y avait derrière la remise était bien pl
us excitant que ce qu'il y avait dedans. C'était la nature! La nature avec ses oiseaux, ses fleurs, ses arbres. Plus nous l'explorions et plus nous prenions confiance. On se sautait dessus, on jappait, on se faisait peur l'un et l'autre; on bondissait, on courait, on s'entraînait à aboyer. Aube venait de me plaquer au sol, lorsque Maman apparut, se dirigeant vers nous à vive allure, saisit Aube par la peau du cou et la ramena à la remise. Je suivis. Il se passait quelques chose. Une fois dedans, Maman s'installa sur notre litière comme si de rien n'était, mais ma sœur et moi étions intriguées. C'est là que je perçue des voix humaines. M. Ronan se dirigeait vers la remise accompagné d'un autre Humain. Ils ouvrirent la porte. Et là l'autre humain me pris dans ses bras, je n'étais pas rassurée du tout. Je n'avais pas l'habitude que l'on me soulève de terre. Puis il me mit sur le dos en posant délicatement sa main sur mon ventre, je ne bougeais pas. Je m'aperçus de suite qu'il ne me voulait aucun mal. Il me reposa au sol et m'appela en tapant dans ses mains. Je m'approchais alors de lui et il me couvrit de caresses. La suite fut moins rigolote, lorsqu'il me mit dans sa voiture et quitta la maison de Ronan, en laissant Aube seule avec Maman. Je suis arrivée dans une maison encore plus grande, entourée de prairies et de forêts et où habitait déjà une chatte du nom de "Mimi". Les premiers jours, je pensai souvent à Maman et à Aube. Qu'elle ne fut ma surprise lorsque quelques jours plus tard je retourna avec mon nouveau maître "Thierry" chez les Ronan afin d'adopter également ma sœur Aube. Je m'amusa encore beaucoup avec ma maman. Thierry et les Ronan sont devenus amis ce qui nous permet aujourd'hui de revoir régulièrement notre Maman. Le plus bizarre, c'est quand Thierry nous a renommées avec de nouveaux noms "Diesele" pour moi et "Dunlop" pour ma sœur! Mais c'est vrai, il ne parle pas chien et ne peut comprendre.

Mais, je me retourne, je baille, je me retourne encore deux fois me recouche, j'ouvre un œil...
Je rêvais ?...
et je sentais le battement de leurs cœurs, blotties contre moi....



Diesele (inspirée du roman "Une vie de chien de Ann M.Martin)


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Juste un mot : Magnifique!!!

La piplette

Paddy et Compagnie a dit…

Bravo !
Il faut que tu me prête ce bouquin...

Paddy et Compagnie a dit…

Oups ! Pardon pour la faute d'orthographe.